Critique de spectacle

Andreas d’après August Strindberg dans une mise en scène de Jonathan Châtel par la Compagnie Elk

Jusqu’au 11 Juillet au cloîtres des Célestins

Andreas nous plonge dans l’univers intérieur d’un écrivain exilé de lui même, en proie à une décomposition par sa séparation des liens progressifs qui l’unissent au peu d’humanité qu’il reste en lui. Son écriture procède d’un désir, d’une volonté de se libérer de l’oppression de son intérieur fragmenté. La traduction révèle avec une note blêmissante, cette beauté légère et fragile d’une écriture performative, qui crée le mouvement et le geste du personnage, qui annonce la portée purificatrice de l’échange et du désir.

L’adaptation du chemin de Damas de Jonathan Châtel revêt dès lors cette mystérieuse accalmie du personnage d’Andréas, une forme d’être inconnu qui erre et se déplace, échange sans que les paroles qu’il entend ne puissent lui apporter le moindre réconfort. Il se trouve sur une sorte de linéarité sinueuse de sa propre individualité où son âme spasmodique se plonge dans le fantasme et le délire de sa suffisance.

La mise en scène révèle un décor épuré composé en arrière plan d’un dispositif de panneaux pivotants qui augmentent l’intensité de la pénétration dans l’espace et qui créent une sensation de passage, mais d’un passage inachevé, qui ne saurait s’accomplir dans l’horizon inaccessible de l’amour. Les comédiens jouent avec des sursauts lineux et profonds et trouvent dans ce texte, dans cet espace intérieur de leur conscience, la force pour puiser leur jeu. Le spectacle forme aussi en un sens une sorte d’allégorie, ou plutôt de prisme allégorique de la création, puisque tout comme pour Strindberg, cette pièce nous rappelle quelque chose de déjà vécu, des sensations qui nous ont traversées ou qui nous traversent encore, cette grasse parturiente de notre entendement figée entre la dilection et la haine scabreuse pour l’altérité.

Jonathan Châtel et Sandrine le Pors nous livrent avec justesse un spectacle profond, pris dans la tourmente d’une légèreté enivrante et spécieuse, porté par des comédiens qui honovent le spectateur et portent en eux mêmes les sensations, qui partent du texte pétrifié et figé pour choisir de vivre la vie pour la sublimer.

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